Et c’est parti pour le Festival OFF d’Avignon 2025. Comme chaque année, je vous partage sur Esperluette en Mode Festival mes rencontres, mes coups de cœur, mes découvertes artistiques et humaines ! A suivre tout au long du mois de juillet.
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🎭 RDV à 11h40 – Au bout là-bas, relâche les 8, 15, 22 juillet
résumé de l’interview de Christine Pedditzi
Je suis Christine, j’ai 57 ans. J’habite à Bédarrides, dans le Vaucluse, depuis 8 ans. On y a créé un lieu dédié à l’improvisation théâtrale, et c’est là que je forme, que je joue, que je crée. Je suis devenue officiellement intermittente du spectacle il y a deux ans, même si ça faisait bien plus longtemps que j’étais sur scène. Cette reconnaissance m’a donné les moyens et la légitimité de créer Danser encore.
Marie-Cécile : Justement, est-ce que tu peux nous parler de ce spectacle ?
Christine : Ce spectacle, je l’ai écrit à partir de mon histoire, celle de ma mère, qui a vécu une dizaine d’années avec Alzheimer. Mais je voulais avant tout parler de ce qui nous reste, malgré la perte : la tendresse, les souvenirs, le fait de pouvoir encore danser, au sens propre comme au figuré.
Marie-Cécile : Et tu dis que tu voulais un spectacle lumineux.
Christine : Oui, même si les premiers jours de répétition, on pleurait tout le temps ! (rires) Mais avec mon metteur en scène, on s’est accrochés à cette idée : les spectateur·ices doivent ressortir avec “les yeux rouges et la banane”. Je ne voulais pas un spectacle qui écrase, mais qui ouvre.
Marie-Cécile : À qui s’adresse le spectacle ?
Christine : À toutes celles et ceux qui aiment, qui ont accompagné un proche malade, qui ont ressenti la fatigue, la culpabilité, l’envie de fuir… Mon moteur, c’était de dire tout ça à voix haute. Parce qu’on ne le dit pas assez. Parce que c’est dur d’assumer qu’on n’a pas envie, parfois. Et qu’on est nombreux·ses à vivre ça.
Marie-Cécile : Tu as fait un vrai travail de recherche aussi ?
Christine : Oui, un an d’interviews avec des familles, des personnes en EHPAD, des soignant·es, des associations comme France Alzheimer 84… Je voulais que ça dépasse mon histoire. Que ça devienne une parole collective.
Marie-Cécile : Tu aurais pu confier le rôle à une autre comédienne. Pourquoi l’as-tu interprété toi-même ?
Christine : Ce n’était pas envisageable autrement. C’était moi ou rien. Ce spectacle, c’est un hommage, un témoignage, une traversée. Je ne me voyais pas laisser ça à quelqu’un d’autre. Et puis, sur scène, je me sens à ma place.
Marie-Cécile : Comment vis-tu le Festival d’Avignon avec un tel spectacle ?
Christine : C’est intense. Le trac est là, le cœur bat à 100 à l’heure, mais je le prends comme une pression positive. Le plus dur, c’est la logistique avant la représentation : régler les lumières, les vidéos, installer… et d’un coup, il faut être complètement présente sur scène. Mais dès que je commence, je me reconnecte à l’essentiel : transmettre. Offrir.
Sa reco pour au OFF :
Christine : Oui, Improvision à l’Archipel, à 21h40. C’est de l’impro, joyeux, inventif, très bien fait. Ça fait du bien aussi, ce genre de respiration.
🎭 RDV ici pour découvrir tout le programme
résumé de l’interview de Laura-Lou Rey
Marie-Cécile : Bienvenue dans ce nouvel épisode d’Esperluette en mode Festival. Aujourd’hui, je t’emmène à la découverte d’un lieu un peu caché mais plein de vie : L’Éveilleur, dans le quartier Saint-Ruf à Avignon. Et pour en parler, j’ai tendu le micro à Laura-Lou Rey, cofondatrice du lieu.
Laura-Lou : Je suis cofondatrice de L’Éveilleur, une coopérative culturelle qui accompagne les structures dans leur transition écologique et sociale. À côté de ça, je suis aussi professeure de danse, facilitatrice, et impliquée dans l’association Iguiai Prod, qui anime le lieu avec les habitant·es du quartier.
Marie-Cécile : L’Éveilleur propose un programme très riche pendant le Off, avec Friche & Chill. C’est quoi exactement ?
Laura-Lou : On voulait proposer un contrepoint à l’agitation du centre-ville. L’Éveilleur, c’est une ancienne friche, au calme. Et « chill », parce qu’on y vient pour prendre le temps. On a pensé une programmation douce, locale, inclusive, à la fois artistique et conviviale.
Marie-Cécile : Tu peux nous donner un aperçu des activités ?
Laura-Lou : Le matin, on commence avec des ateliers de réveil dansé, gratuits, que j’anime. Il y a aussi des ateliers créatifs avec des artistes et collectifs comme Le Théâtre des Petites Choses, Pila Project ou La Troupe de l’Éléphant. Et le soir, place aux concerts, aux spectacles et à des surprises artistiques.
On a par exemple :
– Les concerts de Multiprise (rock/punk)
– La patatothérapie, un entre-sorts humoristique avec des patates comme outil de soin (!)
– Le bruit des élytres, un spectacle autour de l’univers de Duras
– Un concert de Léo Merle, artiste avignonnais engagé
– Une fresque participative, à peindre collectivement avec Magali
– Et en fil rouge, une expo poétique de Marie Darodes, avec ses « jardins de poche ».
Marie-Cécile : Comment vous avez préparé ce programme ?
Laura-Lou : On a lancé un appel à candidatures très libre, en accueillant des propositions de spectacles, d’ateliers, de performances. On a dû faire des choix avec un petit budget, en veillant à accueillir surtout des artistes du territoire ou déjà présents à Avignon. L’idée, c’est d’être cohérents avec notre démarche de transition.
Marie-Cécile : Est-ce qu’on a le trac, quand on gère un lieu comme celui-ci ?
Laura-Lou : Oui ! Parce qu’on veut que les artistes soient bien accueillis, qu’il y ait du monde pour voir leurs propositions, qu’ils repartent satisfaits. On veut accompagner leurs envies, dans un contexte où la concurrence est forte. Mais on garde aussi une forme de lâcher-prise : on fait de notre mieux, et on apprend chaque année.
Sa reco pour au OFF :
Marie-Cécile : Et un coup de cœur à recommander pendant ce Off ?
Laura-Lou : Deux même !
De chair et de feu, un spectacle poétique avec Joël Abadie, un pianiste et moi-même à la danse — un vrai moment de calme à l’Albatros, à 20h45.
La Chienlit, au Train Bleu le 18 juillet seulement : un spectacle joyeux, engagé, à ne pas manquer.
🎭 RDV à l’Université d’Avignon – 10h30 – du 08 au 18 juillet – Relâche les 12, 13 & 14
résumé de l’interview de vincent clergironnet
Marie-Cécile : Bonjour Vincent. Pour commencer, est-ce que tu peux te présenter ?
Vincent Clergironnet : J’aime bien dire que je fais “du théâtre”, parce que ça regroupe beaucoup de choses. Je suis comédien, auteur, metteur en scène, j’ai créé une compagnie – Demain il fera jour – et j’organise un petit festival à Montfavet : le Festival des Petites formes.
Je viens aujourd’hui parler de mon nouveau spectacle : Le sonneur à ventre jaune ou la démocratie au secours du vivant -. C’est l’histoire d’un petit amphibien, entre 3,5 et 5,5 cm, qui se reproduit dans les ornières laissées par les engins forestiers. Il se retrouve bien malgré lui au cœur d’une controverse humaine : doit-on préserver cette espèce ou poursuivre nos activités ?
Marie-Cécile : Tu joues tous les personnages, c’est bien ça ?
Vincent : Oui, je suis seul en scène – enfin presque, je suis accompagné par une musicienne, Éléonore Zielinski, au violoncelle. Il y a une trentaine de personnages, certains n’ont qu’une phrase, mais chaque mot compte. Ce sont souvent des gens que j’ai rencontrés dans le cadre de cette enquête. Ce n’est pas un spectacle de caricatures : les bûcherons, les chasseurs, les scientifiques… ce sont tous des êtres humains avec des contradictions, des évolutions.
Marie-Cécile : Ce spectacle a été créé comment ?
Vincent : À l’origine, c’est une commande de scientifiques dans les Ardennes. On a accumulé une quantité énorme de données sur le sonneur : ses habitudes, sa disparition progressive sur le territoire où il en reste entre 3 à 22 (dans d’autres parties de France, il est encore bien représenté) … Mais mon rôle, c’était de transformer tout ça en théâtre. De faire exister des personnages, de tisser une narration, de garder la poésie.
Marie-Cécile : Pourquoi le monde rural est si présent dans ton travail ?
Vincent : C’est un monde qu’on caricature souvent, y compris dans le milieu culturel. Pourtant, la culture y est partout. Par exemple, j’y ai rencontré des géographes, des passionné·es d’histoire, des gens incroyablement cultivés. Et je trouve important de les rendre visibles, dans leur complexité, leur attachement au territoire, chacun à leur manière.
Marie-Cécile : Le dispositif est un peu particulier aussi ?
Vincent : Oui, on joue dans une agora forestière, en cercle. Le public se retrouve comme pris dans une assemblée qui va devoir délibérer : protège-t-on ou non ce sonneur ? C’est une sorte de tribunal naturaliste… où on invite aussi les plantes et les animaux à “prendre la parole”. Le théâtre devient un lieu pour imaginer d’autres façons de faire société.
Marie-Cécile : Trac, ami ou ennemi ?
Vincent : Ah, mon ami le trac… Il est là, évidemment, mais il me sert. Surtout à Avignon, où il faut faire attention à ne pas se laisser griser par l’effervescence. L’essentiel, c’est la rencontre avec les spectateurs, le moment.
Sa reco pour au OFF :
Vincent : Nous étions la forêt, Nourrir l’humanité, c’est un métier ou La révérence, tous les trois au Train Bleu, qui interrogent tous notre rapport à la nature et au monde rural. Je pense que ce sont des sujets que les artistes ont encore beaucoup à creuser, avec humilité.