« J’ai vraiment envie de pouvoir prouver qu’une entreprise peut rester à taille humaine et peut perdurer en restant en phase avec ses valeurs. »
Bienvenue dans le premier épisode de la saison 3 d’Esperluette, le podcast à l’écoute des belles énergies de mon territoire, le Vaucluse. Pas besoin d’être vauclusien.ne pour être inspiré.e par les porteurs projets, les artistes ou les associations que j’interroge. Ici je partage avec vous de belles idées, des expériences inspirantes et une bonne dose d’informations positives qui vont vous donner envie de vous lancer et de partir à votre tour à la découverte de votre territoire.
Pour débuter en beauté cette saison et donner de la fraîcheur à ce début d’été, je vous propose de rencontrer Nina, la cofondatrice, avec Sebastian, de Lökki Kombucha, basée à Cavaillon. Elle va évidemment vous expliquer ce qu’est le kombucha, cette boisson au goût unique. Elle va surtout parler des fondements de cette entreprise innovante, basés sur le développement durable et la gouvernance partagée.
Cette interview a été enregistrée trois jours avant le confinement, montée juste après cette période singulière ; je pense qu’elle ne pouvait pas mieux tomber tellement les objectifs de Nina, Sebastian et leur famille d’éleveurs de bulles me paraissent adaptés à l’évolution vers laquelle notre société devrait tendre. Je vous laisse juger par vous-même et remercie Nina d’avoir partagé toutes ces infirmations avec moi.
Bonne écoute !

Les esperluettes de Nina :
Les entreprises, les petits villages qui mettent en place des solutions en intelligence collective, en communication non violente.
Les quatre accords toltèque, Don Miguel Ruiz
Le centre agorécologique Les Amanins
Le film Demain réalisé par Cyril Dion et Mélanie Laurent
Elle cite également le livre de Frédéric Laloux, Reinventing Organizations Vers Des Communautés De Travail
Pour suivre Lökki sur les réseaux sociaux, rdv sur Facebook – Instagram et Twitter
Propos recueillis en 2020 par Marie-Cécile Drécourt
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Produit par Marie-Cécile Drécourt
Productrice des podcasts Esperluette à l’écoute du Vaucluse & Esperluette en Mode Festival depuis 2018 avec 20 ans d’expérience en communication, je crée également des podcasts en marque blanche pour les entreprises, associations et indépendant·es et j’accompagne celles & ceux qui souhaitent créer leur podcast pour leur apprendre à le faire en toute autonomie.
Pour les malentendant·es, les épisodes sont entièrement retranscrits ci-dessous :
Merci à Autoscript qui me permet de faire toute la retranscription de mes épisodes
Nina : Je m’appelle Nina, j’ai 32 ans, je suis mi-origine alsacienne, mi-origine pied-noir. Je suis co-fondatrice de la brasserie Lökki. On a créé avec Sébastien la brasserie depuis 2015, on a mis un an pour monter tout le projet, chercher un local, chercher le bon équipement, se former à la HCCP, à plein de choses qu’on ne maîtrisait pas vraiment autour de l’agroalimentaire, et puis on s’est installé en novembre, premier brassin en décembre et lancement de la commercialisation en janvier 2016.
Nina : Alors le kombucha, c’est une boisson fermentée à base de thé, qui existe depuis des milliers d’années, on ne l’a pas inventé, et d’ailleurs le nom kombucha, c’est vraiment le mot générique pour dire thé fermenté, comme tu dirais bière pour des céréales fermentées ou vin pour du jus de raisin fermenté. Donc en fait, tu prends du thé que tu fais infuser, tu le sucres, et tu vas le mettre en contact avec une symbiose de levure et de bactéries, une mère de kombucha, qui ressemble un peu comme une mère de vinaigre en termes d’aspect, et au bout de deux semaines, elle va avoir transformé littéralement ton liquide, donc tu n’as plus du tout un goût sucré, puisque en fait, les levures et les bactéries consomment le sucre, et à la fin, on se retrouve avec une boisson acidulée, très peu sucrée, et en deuxième fermentation, elle va développer des bulles, donc on a un petit soda naturellement pétillant, et peu sucré, fait à base de thé. C’est clair que le kombucha, pour nous, ça s’inscrit dans un mieux vivre et un mieux manger. Nous, déjà, au sein de l’équipe, on se fait à manger tous les midis, on va systématiquement dans les magasins bio, etc., parce qu’on croit profondément que c’est vers ça qu’on doit tendre.
Le kombucha, pas que, en fait, c’est la fermentation d’une manière générale. Et c’est vrai que nous, ce en quoi on croit vraiment, c’est qu’il y a eu ces dernières années d’industrialisation, beaucoup de pasteurisation, et c’est vrai qu’il y a eu ces dernières années d’industrialisation, beaucoup de pasteurisation, beaucoup d’industrialisation, on a complètement oublié toute cette alimentation vivante. Alors, après, en bon français qu’on est, on a quand même toujours notre pain, notre fromage et notre vin qui sont bien fermentés, il n’y a pas de souci, donc ça, c’est très bien. Mais on parle de plus en plus du microbiote intestinal, c’est vrai que les recherches avant étaient très peu riches sur ces sujets-là. Là, maintenant, on se rend compte à quel point notre ventre, notre deuxième cerveau, à quel point presque on est manipulé par des bactéries au sein de nous qui nous demandent des choses spécifiques à manger parce que ça leur plaît et qu’elles en ont besoin pour vivre. Et voilà, donc le kombucha, ça s’inscrit dans cette alimentation riche et variée et équilibrée où, tout comme on dit qu’il faut un petit peu de protéines, de lipides, de glucides, etc., il te faut aussi un apport en micro-organismes vivants et c’est hyper important. Donc voilà, du kombucha, tous les jours, ce n’est pas forcément une bonne idée, mais de varier, d’avoir tous les jours un peu de choucroute, un peu de kimchi ou un peu de kéfir. De varier ces sources d’alimentation lacto-fermentée, ça ne peut qu’être bénéfique pour la santé. C’est indéniable. C’est le fait aussi de revenir à ce qu’on a un peu oublié. Ça fait partie du patrimoine de l’humanité, la fermentation. Et il y a un moment dans nos vies où on a complètement zappé tout ça et là, on reprend la main. C’est pour ça aussi qu’on a accepté volontiers auprès des éditions Marabout de publier un livre sur les boissons fermentées à faire à la maison parce que nous, on le fait pour les gens qui n’ont pas le temps. C’est vrai, c’est comme faire son pain et tout ça, ça demande du temps et c’est le sujet numéro un de notre société, le manque de temps. Donc voilà, on le fait pour les gens qui n’ont pas le temps et pour les gens qui ont envie aussi de découvrir des recettes originales. Mais on a aussi mis sur notre site internet, sur notre blog, la recette pour faire du kombucha à la maison. On explique comment faire partir une mer de kombucha d’une bouteille ou bien comment se la procurer dans son magasin bio. Et l’envie, c’est d’échanger sur cette pratique, sur les bienfaits pour que les gens aient envie aussi de le faire chez eux directement. Ça va avoir un goût un peu cidré. C’est comme si on buvait un petit cidre un petit peu moins sucré et beaucoup moins alcoolisé. Ça va pétiller naturellement. Ça va être un petit peu étonnant au papy, au démarrage. C’est sûr qu’il y a un petit passage initiatique. On n’aime pas le kombucha forcément. À la première gorgée, tout comme on n’aime pas sa première gorgée d’un verre de vin ou d’un verre de bière ou même de son café ou d’un fromage. Tous ces produits-là sont fermentés finalement. Et voilà, dans la fermentation, il y a un vrai passage initiatique. Donc, c’était l’occasion de se faire découvrir. Et donc, nous, on va avoir différentes saveurs, justement, dans l’idée d’aussi avoir des portes d’entrée par affinité. Donc, on a un kombucha nature pour les personnes qui aiment vraiment le kombucha. Brut, ça va être notre kombucha au thé vert et au thé Pu Erh. Voilà, donc lui, il va vraiment avoir un goût de cidre. D’ailleurs, on le recommande avec des crêpes ou avec des gaufres ou avec une petite galette des rois ou quoi, l’hiver, parce que ça marche très bien. Ou bien les personnes qui ont eux-mêmes à la maison leur extracteur à jus, autant se faire son jus frais, pressé, puis rajouter un petit peu de kombucha à l’intérieur et autant mettre du nature, du coup, dedans. Et puis sinon, après, on a décliné notre kombucha avec différents jus ou infusions, ça dépend des recettes, pour amener une couleur et une saveur un peu innovante. Donc, dans nos best-sellers, on a notre trio curcuma citron vert, hibiscus – rose – baie Timur. Donc là, on est sur un kombucha ultra floral, tout rose, vraiment, il y a une super couleur. Et puis, on a la recette bleue, c’est un bleu vert, spiruline, menthe poivrée. Et puis, entre-temps, on a sorti plein d’autres recettes. Et la dernière innovation. Ce que Sébastien nous a concocté, c’est ce qu’on a nommé une Kombeercha. Donc, c’est un kombucha à base de thé vert. Et puis, simplement, Sébastien a sélectionné des houblons très spécifiques et on les fait infuser à froid dans notre kombucha. Et le résultat est étonnant et il est top. Ça rend comme une petite bière blanche, houblonnée, un peu style IPA, mais sans alcool. Et puis, pas très amère. Enfin, voilà, on est sur quelque chose d’assez léger. Donc, une belle alternative à la bière quand on ne veut pas avoir d’alcool et qu’on veut bénéficier de l’aspect micro-organisme, boisson vivante, du kombucha, quoi. On a décidé d’appeler Lökki une brasserie parce qu’on est avec notre pagaie, en train de mélanger le thé. Tu vois, on a vraiment ce sentiment de brasser du thé. Mais non, pour autant, il n’y a pas d’alcool, il n’y a pas de fermentation alcoolique.
Nina : J’étais en stage sur Paris quand j’ai rencontré Seb. Donc, on s’est rencontrés dans le milieu du boulot. Tous les deux, on est des pires produits d’école de commerce. On s’est très vite liés. On a su qu’on avait un peu cette même vision commune en se disant qu’on n’avait juste pas du tout envie d’être les bons petits soldats des grands groupes français et que ça n’avait pas vraiment de sens pour nous. Et donc, moi, d’ailleurs, j’étais stagiaire à cette époque. Donc, quand je suis retournée sur les bancs de l’école pour finir mon master, j’ai fait un master entrepreneuriat et innovation pour un monde plus durable. Donc, voilà, je savais après 18 mois passés en stage en entreprise sur Paris que je n’avais pas du tout le temps. Je n’avais pas du tout envie d’y faire ma carrière et donc je me suis dit la dernière année, autant se former autour du business plan, de la création d’entreprise, de l’entrepreneuriat social et solidaire et de tous ces aspects-là en me disant que finalement, tu peux entreprendre le changement que tu veux avoir dans le monde par le biais de la création d’entreprise. Voilà, donc moi, c’est vraiment ça qui m’a animée. Et à côté de ça, tu as Sébastien, mon associé, qui, lui, adore mettre les mains dans le cambouis. Il a toujours été… Passionné par les super aliments. C’est lui qui m’a fait découvrir vraiment la dégustation du thé, comme tu pourrais déguster un vin ou voilà, vraiment tout autour du bien manger. Et donc, c’est lui qui est vraiment allé chercher le produit et qui a commencé à fermenter à la maison du kombucha, mais aussi du kéfir et d’autres boissons fermentées toutes plus bizarres les unes que les autres. Sébastien, il a une famille assez internationale. Il a une grande sœur qui est à New York. Et cette grande sœur a fait pendant quelques années du traiteur végétarien. Et c’est comme ça qu’elle a découvert le kombucha et le kéfir. Donc, elle en a parlé à Séb un coup de téléphone quand il prenait des nouvelles. Et Sébastien, très curieux, a décidé de se procurer des ferments. Donc, voilà, un beau jour, on a reçu par la poste une mère de kombucha et des grains de kéfir. Et puis, il a commencé à mettre ça dans des pots le parfait dans la cuisine. Donc… Voilà, en plus, on vivait chez mes parents à l’époque. Donc, autant te dire que ma mère ne l’a pas très bien vécu non plus, mais… On a découvert comme ça. Enfin, j’étais un peu cobaye. Donc, les premiers brassins n’étaient pas extraordinaires. Je dis ça à toutes les personnes qui décident de se mettre à fermenter à la maison. C’est comme le jardinage, c’est comme la cuisine. On ne réussit pas du premier coup à faire sa boisson fermentée, mais ça vaut le coup de persévérer. Et derrière, on affine sa technique et on peut vraiment faire des choses sympas.
Nina : Je pense que ça a été raisonné comme création. On a commencé dans 50 mètres carrés, avec quelques cuves. Et au fur et à mesure des années, on a grandi et fait avancer la brasserie. Mais voilà, je pense qu’on nous a cru aussi parce que notre développement était organisé et raisonné. Je pense que, clairement, c’est moi qui ai apporté la dimension équitable. Parce que je pars du principe que le bio, c’est bien, c’est prendre soin de l’environnement, ne pas mettre de pesticides, prendre soin de sa santé aussi. Mais il n’y a pas l’aspect. Il y a l’aspect humain derrière ça, mine de rien. Et aujourd’hui, dans notre société, on a quand même un vrai sujet sur les conditions de nos producteurs. Sans qui, on n’est rien. Parce que, je veux dire, si on ne mange pas, nous-mêmes, on ne s’est plus cultivés. Donc, voilà, c’est juste, pour moi, le métier le plus important avec les médecins, les agriculteurs. Et voilà. Donc, en plus, les matières premières du kombucha ne sont pas forcément très locales. Le thé et le sucre, ça ne pousse pas chez nous. Donc, c’est ça. Il y avait vraiment cette dimension commerce qu’on dit nord-sud, même si je n’aime pas trop ce terme-là. Et voilà. Donc, l’aspect équitable, c’est sûrement moi qui l’ai apporté en plus, en me disant que c’est beaucoup plus logique d’avoir les deux. On a commencé à recruter en 2017 nos deux premiers salariés. Et on avait surtout envie de constituer une petite famille sympathique d’éleveurs de bulles. Et voilà, en 2017. Il y a Ghislaine et Julien qui nous ont rejoints. Et puis après, petit à petit, l’équipe a continué à grandir. Aujourd’hui, on est huit plus deux personnes qui ne sont pas tout à fait directement rattachées à l’entreprise, mais qui viennent de Luberon Multiservices, qui est l’entreprise adaptée de Cavaillon pour des personnes qui peuvent être en situation de handicap. On est vraiment très, très contents de les avoir intégrées. Et il y en a deux encore en cours de recrutement. Malgré la situation un peu complexe du moment, on a quand même prévu. J’ai décidé aussi qu’on serait audité, quitte à être audité pour le bio et l’équitable, aussi en entreprise responsable, dès la première année en fait. Des fois, c’est un peu ridicule parce que t’es deux. Et voilà, il y a plein de choses qui ne peuvent pas être checkées, parce que notamment sur l’entreprise responsable, il y a tout l’aspect ressources humaines. Mais voilà, au moins, on a connu dès le début le référentiel d’entreprise responsable. Et au fur et à mesure qu’on grandit, on sait où aller, qui peut le plus, peut le moins. Et voilà, donc je pense que ça nous a mis sur des bons rails dès le début, sur les bonnes pratiques entrepreneuriales. C’était un investissement parce que bon, ça coûte bien 2000 euros, ce type d’audit. Donc quand tu démarres et que tu fais 30 000 euros de chiffre d’affaires la première année, ça fait un bon budget. Oui, parce qu’en plus, on a décidé aussi dès le démarrage de commencer avec une énergie issue des énergies renouvelables. Donc… Donc chez Enercop, notamment, avec qui on a travaillé. Donc là, pareil, notre comptable, au début, il nous regardait. Ils sont fous, ces gens. Ils vont emprunter de l’argent dans les banques les plus chères qui existent en France. Oui, parce qu’on a décidé d’aller dans des banques éthiques qui n’investissaient pas leurs fonds sur les marchés financiers, sur des énergies qui étaient… qui ne sont pas bonnes pour la planète. Derrière, on paye l’énergie plein pot. On paye nos certifs plein pot. Donc oui, j’avoue que dès le début, on s’est donné les moyens de… Ah oui, on a accepté aussi une monnaie complémentaire. Donc ils nous ont regardé avec des yeux comme ça, d’œil bou. En mode, mais qu’est-ce que c’est, vos billets de monopolie, là ? Vous gagnez votre vie avec ça, sérieusement ? Oui, oui, on peut. On y arrive. Bon, voilà. Donc on n’a pas fait les choses exactement comme tout le monde. Mais je pense qu’on a quand même vraiment communiqué. On a mis un blog en place dès le début. Voilà, monnaie complémentaire, énergie renouvelable, le compost. Tout ce qu’on faisait, on communiquait dessus. Et voilà. Et voilà, je pense que quand on y croit, je pense que quand on est crédible dans ce qu’on explique et ce qu’on dit, la génération d’avant ou les financiers, les financeurs peuvent quand même
Nina : y croire. On n’a pas pu prendre toutes les décisions cohérentes. Par exemple, on a décidé le note packaging, que ce serait du verre et non pas du plastique. Ça nous paraît être la base. Mais par contre, on aurait beaucoup aimé dès le début mettre en place une consigne. Et ça, malheureusement, c’est un cap qu’on n’a pas pu passer parce qu’on aurait pu vraiment mettre en danger notre entreprise. Donc voilà, il y a encore des choses qu’on aimerait améliorer et aller vers encore plus de cohérence. Mais voilà, il faut arriver à être arbitre et à ne pas se mettre en danger non plus tout en avançant.
Nina : La création d’entreprise, c’est mon dada. Si ça gagnait mieux au démarrage, si on pouvait ne pas juste vivre que de pâtes, pendant trois ans avant que l’un de nos projets ne soit rémunérateur, je ferais ça en fait tout le temps parce que j’adore partir de rien et créer. Malheureusement, c’est pas dans ces moments-là que tu peux ne serait-ce que gagner un SMIC.
Nina : Du coup, quand on a commencé à stabiliser et à staffer, je me suis vraiment retrouvée confrontée à cette situation-là où il y a des nouveaux salariés qui sont là, beaucoup d’obligations en tant qu’employeur à gérer. L’aspect humain. L’aspect humain, depuis le début, j’avais à le gérer avec mon associé. Ça n’a pas été facile tous les jours non plus, mais là, il y a encore plus un côté dynamique d’équipe, communication entre plusieurs personnes, gestion des problèmes à plusieurs et tout. Ça a été très formateur. Et c’est là qu’est arrivé pour nous, avec Sébastien, on a décidé de se faire accompagner par le CJD. C’est une superbe école d’entrepreneurs et de dirigeants. Et je dois dire, que ça nous apporte beaucoup, vraiment. Et puis, à côté de ça, moi, j’ai beaucoup, beaucoup lu aussi sur l’entreprise libérée, les différents livres de Laloux. J’ai suivi pas mal de conférences sur ces sujets-là, parce que je trouve ça vraiment passionnant. Dans l’idée, on est innovants en termes de produits, on est innovants en termes de modèles et on avait aussi envie d’être innovants sur notre type de management et notre gouvernance. On y travaille. Il n’y a pas une petite recette toute bien faite qui explique comment exactement appliquer les choses. Et puis, on a été tellement formatés par l’école, par notre mode de société, que des fois, on a même du mal à penser autrement. Mais on met les choses en place au fur et à mesure. Moi, je me suis formée aussi l’année dernière en intelligence collective pour essayer de faire ressortir ces choses-là. Et on se fait accompagner par différents entrepreneurs, mais qui sont eux, eux aussi, confrontés finalement à leur croyance. Et donc, on avance avec plein de débats au fur et à mesure sur des choix. Par exemple, mettre en place une complète transparence en termes de rémunération dans les entreprises libérées. Il y a carrément le staff qui choisit de sa rémunération et qui s’autorégule autour de sa rémunération. Il y a aussi les notions de feedback 360, parce que c’est vrai que c’est très intéressant quand le manager fait avec son collaborateur un entretien. C’est toujours à sens unique. C’est toujours le manager qui évalue le collaborateur, mais les managers mériteraient très amplement aussi d’avoir un feedback. C’est toujours un peu plus touchy. Tout ça, c’est des choses que je rêverais de mettre en place, mais en même temps, il faut tellement avoir des appuis solides en parallèle. Là, par exemple, cette année, on a décidé de faire une petite formation sur la communication non-violente. On a d’abord décidé de travailler sur nos valeurs, les pratiques météorologiques, qui en découlent. Plutôt mettre en place d’abord des fondations solides, parce que quand on n’a pas de fondations solides et que tout n’est pas 100% en sécurité au sein de l’équipe, ça peut aussi être une vraie bombe que de mettre en place des choses trop libératrices dès le début. Donc, on apprend de tout ça. On y va à tâtons. On a mis en place cette année des forums. On essaie de consacrer du temps. Une fois tous les deux mois, à peu près, une bonne demi-journée pour échanger simplement sur la gouvernance de l’entreprise, de quoi est-ce qu’on a envie de parler, comment est-ce qu’on avance là-dessus, pour se projeter, pour parler, échanger, essayer d’avancer. Je n’avais pas vraiment réalisé, mais c’est vrai qu’on ne fait pas comme tout le monde.
Nina : Mais c’est ça qui me plaît. Pour moi, c’est ça, l’entrepreneuriat, c’est expérimenter, c’est essayer de trouver de nouveaux modèles. Et puis, derrière, j’estimerais que j’aurais réussi quand je pourrais prouver que des modèles comme ça, un peu plus alternatifs, un peu plus cohérents, peuvent quand même permettre aux gens qui travaillent dessus d’en vivre, plutôt convenablement. Et de donner envie, finalement.
Nina : Donc, c’est cool de pouvoir développer tout ça et de voir que ça peut bien marcher. Mais c’est ce qui nous manque cruellement dans cette transition. Moi, je pense, vraiment, qu’on est en train de changer un peu de paradigme. En tout cas, je l’espère profondément. Et cette transition, moi, j’ai vraiment envie de la vivre de mon vivant. On a un peu tous peur d’arrêter notre économie telle qu’elle existe aujourd’hui, parce qu’on a toujours eu cette notion de progrès où on n’a pas envie de régresser. Et voilà. Ce qui nous manque, c’est des belles histoires, c’est des belles réussites, et montrer qu’on peut être complètement épanoui, très heureux et, au contraire, grandir. En faisant différemment. Alors, Lökki reste quand même une entreprise à but lucratif, etc. Donc, c’est un premier pas. C’est pas encore… J’admire vraiment ces entrepreneurs sociaux qui sont sous forme d’associations, qui sont pas en train de vendre un produit, mais plutôt un service qui répond à un réel besoin sociétal. Voilà. Je trouve qu’il y a encore mieux à faire, mais je soutiens à fond ces artistes, ces entrepreneurs, ces créateurs qui nous montrent qu’il y a un autre demain possible et qui est tout aussi positif et épanouissant, si ce n’est plus que celui dans lequel on vit aujourd’hui.
Nina : On a tellement donné tout notre temps et notre énergie à ce projet qu’on est clairement la tête dans le guidon, et on prend peu de temps pour prendre un peu de recul. Ce qui en ressort, c’est que je suis assez fière de nous, du chemin qu’on a parcouru, tout en restant assez droit dans nos bottes sur les valeurs qu’on avait au début. Je trouve même que maintenant qu’on s’est enrichi d’autres personnes au sein de l’équipe, et qu’on les fait aussi, par le biais de l’intelligence collective, participer aux valeurs et à la construction, j’éprouve beaucoup de reconnaissance et de bienveillance par rapport aux personnes qui nous ont rejoints et qui amènent toutes leurs petites graines à l’édifice. Du coup, je suis très contente de là où on en est aujourd’hui. Après, il arrive la question. Et ce gros débat, nous, depuis le début, on a toujours dit qu’on voulait arriver à une équipe d’une dizaine de personnes.
Nina : Ce qu’on a aujourd’hui, en fait. Et de stabiliser après, d’arrêter. On ne veut pas du tout devenir Coca-Cola Company. On a juste envie de vivre assez simplement, de rester sur la qualité de nos produits, sur notre éthique, sur nos valeurs, faire en sorte que notre équipe se sente bien et de ne pas trop grossir. On n’a vraiment pas cette envie-là. Et pour autant, il y a vraiment une pression et une croyance très profonde, où moi-même, je n’ai pas la bonne réponse, comme quoi si tu ne crois pas, tu te fais bouffer, à la fin, par les plus gros, ceux qui vont faire les meilleurs prix, ceux qui vont… Donc si l’entreprise ne continue pas à croître, il y a un moment où elle est amenée à péricliter. Et ça, c’est vraiment quelque chose qui me fait peur. Et en même temps, je me dis, est-ce que ce ne serait pas la chose que j’aurais envie de prouver, finalement, maintenant que je peux prouver qu’on peut entreprendre avec des valeurs et qu’on peut faire des choix qui ne sont pas tout à fait rationnels et financiers. Pour autant, ça peut marcher. Et voilà. Donc on a souvent ce débat-là avec les différents clubs d’entrepreneurs avec lesquels on participe, le CJD, et le petit board aussi qu’on a organisé. Et nous, on voit, on a un petit pôle, un pool de dirigeants, de chefs d’entreprise qui viennent un peu nous conseiller et échanger avec nous une fois par trimestre. J’ai vraiment envie de croire qu’on peut rester à une taille humaine, pas forcément croître. On peut aussi se donner ce luxe de choisir ses clients et de les choisir parce qu’ils sont en phase avec nos valeurs, parce qu’ils ont une vraie éthique, une vraie relation humaine et non pas de dominant-dominé qui se met en place. Voilà. Donc j’aimerais vraiment pouvoir prouver ça dans les prochaines années. Ça me fait peur, je ne le cache pas, parce que tout le monde me dit que c’est aller droit dans le mur et que c’est dangereux. Donc bien entendu, en tant que fondatrice, je n’ai pas envie que toutes ces années de dur labeur se transforment en plus rien à la fin. Mais j’aurais vraiment envie de pouvoir prouver qu’une entreprise peut rester à taille humaine et pouvoir perdurer dans le temps tout en restant en phase avec ses valeurs. Je pense que c’est ça l’avenir. C’est du plus slow, c’est du plus local, c’est du plus petit. Small is beautiful, on le dit souvent. Après, je pense qu’il y a un vrai enjeu de communication.
Nina : Encore plus dans le circuit bio, là où nous, on vend nos produits, je pense qu’on est vraiment en train de basculer du simple consommateur à plutôt des consom’acteurs qui sont vraiment éduqués, réfléchis et à qui ont pris le temps de bien comprendre le poids de leur acte de consommation et du coup les choix qui vont derrière. Donc voilà, si on arrive à vraiment communiquer suffisamment pour expliquer aux consommateurs la différence entre le produit d’une petite entreprise et le produit d’une très grosse et comment faire au quotidien pour soutenir ces projets-là. Parce que sinon, on revient toujours à la guerre du prix, à l’éternel et toujours à… Et nous, on n’a pas envie de tomber là-dedans parce que je pense que ce libéralisme à outrance, cette mondialisation, cette quête du prix toujours le plus faible et le plus bas amène là où on en est aujourd’hui. Mais derrière, c’est vrai qu’il y a tellement d’infos, il y a tellement d’offres que ça demande un temps fou de se renseigner pour faire la part des choses. Et le temps, c’est le nerf de la guerre aujourd’hui dans nos sociétés. Donc voilà, il faut arriver à trouver un biais de communication, un moyen d’expliquer rapidement et sûrement aux personnes pour qu’ils puissent faire la différence.
Nina : Je suis très inspirée par ces entreprises ou ces sociétés ou ces petits villages qui mettent en place des solutions en intelligence collective, en communication non-violente. Je crois sincèrement que ce nouveau modèle de société et cette écologie qu’on a envie de voir apparaître dans notre quotidien, il passe clairement par l’humain. C’est tout ce qu’on ne nous a pas appris à l’école. On nous a toujours mis dans des cases, on nous a toujours dit ça c’est bien, ça c’est pas bien, mais il n’y a pas d’entre-deux. Et on nous a toujours appris à parler plus fort que l’autre ou à chacun travailler sous son petit contrôle et à surtout pas travailler en collaboration avec son voisin. Et au contraire, je pense que le monde de demain, il va se construire en collaborant, en apprenant à communiquer, en apprenant à mieux se connaître soi aussi parce qu’on ne nous a pas appris à savoir qui on était vraiment. Toutes ces notions de développement personnel, de méditation, d’intelligence collective, tous ces nouveaux outils, il faut arriver à ne pas tomber non plus dans les gourous et compagnie, mais utiliser les accords Toltèques, et utiliser avec bonne intelligence et une belle compréhension, je pense que ça va nous permettre, permettre d’aller beaucoup plus loin et de mieux avancer ensemble. Je crois sincèrement que ce n’est pas seul, chacun dans son coin, qu’on y arrivera, mais plus en collaborant intelligemment tous ensemble dans la bienveillance. Il y a quand même le film Demain qui a apporté pas mal d’inspiration sur ces sujets-là.
Nina : Les fermes en permaculture, bon voilà, tous ces sujets, mais j’aimerais bien consacrer plus de temps à aller au cœur de ces entreprises-là, parce que je les vois au travers des livres, je les vois au travers de certains reportages, mais je n’ai pas encore vraiment échangé avec les personnes. J’ai été formée en intelligence collective par la personne qui s’occupe d’aider les Amanins à gérer leur gouvernance et tout, donc elle peut témoigner, mais j’aimerais bien aller plus au cœur de ces projets-là et m’en inspirer encore plus.
Nina : J’espère à Lökki qu’elle pourra être une des premières entreprises françaises à clamer au effort qu’on peut rester petit et costaud et que ça peut continuer à vivre des décennies s’il faut, sans se faire croquer par les plus gros. Voilà, j’aimerais bien.