Pour cette rentrée, comme je sais que beaucoup d’entre vous sont des épicurien·nes, et que clairement le Vaucluse c’est le territoire parfait pour profiter de multiples délices, je vous emmène dans une série de trois épisodes à la découverte de Rasteau, village accroché à flanc de collines, et de ses nectars à déguster avec modération bien évidemment.
Trois épisodes réalisés en collaboration avec le Syndicat des vignerons de Rasteau pour apprendre à mieux connaître les vins secs, les vins doux naturels, le village, ses habitants et les paysages entre le Mont Ventoux, les Dentelles de Montmirail et les Préalpes.
Pour débuter cette série, parlons d’abord des femmes et des hommes qui travaillent les vignes et s’impliquent pour faire connaître ce territoire qui se distingue notamment par ses argiles bleues.
Je vous laisse avec :
- Françoise Larum du Domaine des Girasols à Rasteau,
- Frédéric Goliard, Co-Président du Syndicat des vignerons de Rasteau,
- et Mikaël Boutin, du Domaine Mikaël Boutin, le plus petit domaine de l’appellation.
Nous allons parler de l’histoire de ce collectif créé en 1962, de l’importance de se rassembler pour valoriser au mieux le terroir, de la féminisation des métiers du vin et des consommateurs, et du côté festif de Rasteau.
Et pour conclure, mes trois invités vous expliqueront pourquoi il faut absolument venir à Rasteau, non seulement pour déguster les vins mais également pour découvrir la nature environnante.
Deuxième épisode de la série dédiée à Rasteau, et cette fois nous allons parler de l’évolution des vins de Rasteau car il ne faut pas toujours se fier aux clichés sur un vin, il peut toujours réserver de belles découvertes grâce au travail des vignerons et vigneronnes.
Pour cela, je vous laisse avec :
- Élodie Balme, du Domaine Elodie Balme
- et Claude Hilt, de la Villa Safranier
Avec eux, nous allons parler des typicités du terroir de Rasteau, de l’importance de devenir Cru pour un vin, de l’évolution des vins de Rasteau et notamment de la notion de fraîcheur dans les vins produits actuellement, vous donner quelques accords parfaits entre mets et vins secs rouges et de la notion de partage quand on déguste un vin.
Et pour conclure, Elodie et Claude vous livreront leurs lieux à découvrir sur ce beau territoire.
Troisième et dernier épisode de la série dédiée à Rasteau. Aujourd’hui, je vous propose pour terminer cette série, de fêter un anniversaire, celui des vins doux naturels, appellation qui a 80 ans cette année !
Personnellement, c’est le premier vin de Rasteau que j’ai goûté en arrivant dans le Vaucluse et je me souviens encore de cette couleur ambrée et de ce goût de miel dégusté avec mon papa. C’était donc un réel plaisir d’interviewer :
- Madeline Ferran, du Domaine des Escaravailles,
- Marine Charavin, du Domaine des Coteaux des Travers
- et Cyril Glémot, chef propriétaire du restaurant Coteaux et Fourchettes à Cairanne
dans la cave du Domaine des Escaravailles, assis sur des tonneaux de vins doux pour parler de toutes ses spécificités gustatives et culinaires.
L’automne approche, la période parfaite pour aller faire une balade dans la nature autour de Rasteau, que vous pouvez terminer bien sûr par une bonne dégustation de vins, avec modération bien évidemment. N’hésitez pas à m’envoyer vos photos si après l’écoute de ce podcast vous allez à la rencontre des Rastellains et des Rastellaines, ça nous fera à toutes et tous plaisir de les voir et de les partager bien sûr.
Un très grand merci au Syndicat des vignerons de Rasteau pour cette belle collaboration gourmande.
Merci à Claude, Cyril, Élodie, Françoise, Frédéric, Madeline, Marine et Mikael d’avoir accepté de répondre à mes questions, je sais que l’exercice de parler dans un micro n’est pas toujours facile. Mais nous avons à chaque fois passé un excellent moment, je pense que ça s’entend dans le podcast.
Merci à Brunhilde pour ses photos, à Émilie d’avoir amorcé de projet de ce podcast et à Laëtitia d’avoir ensuite repris le flambeau et pour son oreille affutée lors du montage de ces épisodes.
Les références citées dans les épisodes :
L’abus de l’alcool est dangereux pour la santé. À consommer avec modération.
Cet épisode d’Esperluette a été enregistré en mai-juin 2024 par Marie-Cécile Drécourt grâce à une collaboration commerciale avec le Syndicat des vignerons de Rasteau.
📷 ©Laëtitia FOURT PERIE (couverture épisode 01 & 02) – ©Brunhilde PECH (couverture épisode 03)
©Studio Yucō (galeries photos)
Carte réalisée par Maxence Brun
Pour en savoir plus sur les Vins de Rasteau : https://www.vins-rasteau.com – Facebook – Instagram
Domaine des Girasols – Facebook @domainedesgirasols
Domaine Mikaël Boutin : Facebook @domainemikaelboutinrasteau
Domaine Elodie Balme – Instagram @domaineelodiebalme
Domaine Villa Safranier – Facebook – Instagram @maisonsafranier
Domaine des Escaravailles – Facebook – Instagram @escaravailles
Domaine Coteaux des Travers – Facebook – Instagram @coteauxdestravers
Le Restaurant Coteaux et Fourchettes – Facebook – Instagram @coteauxetfourchettes
Produit par Marie-Cécile Drécourt
Productrice des podcasts Esperluette à l’écoute du Vaucluse & Esperluette en Mode Festival depuis 2018 avec 20 ans d’expérience en communication, je crée également des podcasts en marque blanche pour les entreprises, associations et indépendant·es et j’accompagne celles & ceux qui souhaitent créer leur podcast à le faire en toute autonomie.
Pour les malentendant·es, les épisodes sont entièrement retranscrits ci-dessous
Merci à Autoscript qui me permet de faire toute la retranscription de mes épisodes
Les vigneronnes et vignerons de Rasteau : des femmes et des hommes passionné·es par leur terroir
Je suis Goliard Frédéric, co-Président de l’ODG de Rasteau et je suis apporteur à la Cave coopérative de Rasteau.
Françoise Larum du Domaine des Girasols à Rasteau. Le Domaine existe depuis 50 ans. Et je fais partie du bureau du Syndicat des vignerons de Rasteau.
Mikaël Boutin, du Domaine Mikaël Boutin à Rasteau, je suis vigneron depuis 2011. C’est un tout jeune domaine, je suis le plus petit vigneron de l’appellation sur 2.5ha de vignes. Et je suis actif un petit peu de partout, au syndicat, à la Maison des vins et sur la commune.
Avant de parler terroir, parlons du collectif créé en 1962 qui réunit tous les invités de cette série à propos de Rasteau.
MB : Le syndicat de Rasteau, c’est un peu à l’image du village de Rasteau. C’est un lieu où on a toujours envie de fédérer et c’est pour ça que le syndicat, au même titre que d’autres associations, permettent à l’appellation Rasteau d’avoir une image qui est porteuse et qui est dynamique.
FL : C’est effectivement avant tout la défense du vignoble de Rasteau. Le fait de travailler ensemble pour défendre une appellation qui remonte à 1944 pour le Vin doux, qui est quand même assez ancienne. Personnellement, la raison pour laquelle je me suis intégrée auprès du syndicat, c’est pour défendre les intérêts du Cru et essayer de représenter au mieux l’appellation à l’extérieur.
FG : Ce collectif a été créé pour être plus fort par rapport à l’appellation, pour nos crus, pour les défendre, parce que c’est très important. L’avantage qu’on a, c’est que ce collectif, quand même, il s’est toujours perpétué. Et depuis très longtemps, on a ce rapprochement entre les indépendants et la cave coopérative.
Un collectif qui réunit des producteurs et des productrices passionnés. Mais qu’est-ce qui fait la spécificité de Rasteau par rapport à d’autres appellations peut-être un peu plus connues ?
MB : Les vins de Rasteau, on est quand même sur des vins avec beaucoup de finesse. On est sur des terroirs avec des marnes bleues, très calcaires, où on a justement beaucoup de finesse dans les vins, que les grenaches par exemple, où on a cette salinité du calcaire, ce côté minéral qui, au fil du temps, affine les vins. Et on a des vins avec beaucoup moins de corps, beaucoup moins ample, mais avec beaucoup plus de finesse, et surtout sur les finales. C’est vraiment des vins de gastronomie.
FL : Ce que j’aime au niveau des vins de Rasteau, d’abord, c’est la grande versatilité des vins. Vous pouvez les boire pratiquement à toutes les occasions à partir de l’apéritif jusqu’au dessert. C’est des vins qui peuvent être très gouleyants, donc faciles à boire. Et j’aime à dire que quand on boit une gorgée, si on a envie d’en boire une deuxième, là le vin il réussit. On entend dire parfois des adjectifs qui pouvaient qualifier les vins de Rasteau il y a des années en arrière mais maintenant, c’est vrai que la finesse, la fraîcheur, l’élégance font vraiment partie des qualificatifs des vins de Rasteau. C’est des vins qui plaisent à toute la tablée.
FG : Nos vins, depuis le temps, sont de mieux en mieux travaillés. Il y a aussi les jeunes qui sont arrivés derrière et qui ont créé de nouveaux vins avec une façon différente de voir les choses. Je viens étayer ça avec un terroir magnifique. Par rapport à d’autres terroirs, on fait partie d’un quand même assez exceptionnel, exposé plein sud avec des terrasses, avec une multitude de terroirs différents. Et ensuite, je dirais, ils sont très bien dans le vieillissement aussi. On n’a pas de crainte de les faire vieillir parce qu’ils s’amélioreront avec quelques années aussi. Et justement le fait qu’on ait pu avoir ces vins doux naturels, qu’on a du sec, on a une multitude pour « s’éclater » pour ceux qui font le vin aussi.
Une belle énergie qui rassemble beaucoup d’adhérents. Mais finalement, comment on arrive à travailler ensemble alors que tous ces producteurs pourraient se considérer comme des concurrents ?
MB : On est plein de gens, on est tous différents, souvent avec de forts caractères. Et l’avantage de Rasteau, c’est qu’on s’est diversifié en faisant plein de petits groupes comme ça, parce que forcément on ne s’entend pas tous ensemble. Mais tout ça fait que ça fait monter l’appellation, ça dynamise l’image de l’appellation. Et ça, c’est très porteur. Et au bout du compte, en fait, on bosse tous pour un même objectif, différemment. Et si on commence à se concurrencer, je pense que c’est là où on n’a pas compris l’intérêt du syndicat. Le premier intérêt, c’est quand même de fédérer. Et c’est ça, c’est vraiment le côté « Corps et âme » de Rasteau, c’est vraiment ça, quand même.
FL : On est nombreux. Nous, on est à Rasteau depuis 50 ans. Et quand papa est arrivé, il me disait qu’il y avait la cave coopérative et il y avait sept caves particulières et un négociant. Rasteau. Donc, quand on voit les chiffres, effectivement, de maintenant, on est bien au-delà. Mais c’est ce qui fait la richesse. Depuis que Rasteau est Cru, le vignoble, c’est quand même pas mal morcelé, non pas parce qu’il est devenu Cru, mais certainement parce que des vignerons ont arrêté leur activité, et que leur domaine, plutôt que de se vendre en un seul morceau, a été morcelé. Donc, il me semble qu’il y a beaucoup plus de metteurs en marché qu’il y a 12 ans en arrière. Ce qui peut être une force, parce que c’est autant de personnes qui mettent en marché des Rasteau. C’est aussi plus de compétition, mais la compétition motive.
FG : Le fait d’avoir cette mixité aussi nous apporte à tous, finalement, de la richesse. Parce qu’on a besoin les uns des autres. C’est jamais facile d’aller rechercher aussi du bénévolat, parce que tout ça, c’est que du bénévolat. On essaye d’aller chercher ce qui risque d’intéresser aussi les générations. On a créé il y a peu de temps cette commission jeune. Qui est faite justement pour la relève, pour aller chercher du souffle. Nous, on en a encore beaucoup, du souffle, mais il en faut.
MB : Pour les jeunes, ce qui est bien, c’est de les accompagner. De leur mettre un peu le pied à l’étrier. Parce que c’est vrai que la partie syndicale, toute cette partie promotion, administrative, représenter quand même la majorité des hommes et des femmes de l’appellation de Rasteau, c’est quand même beaucoup de responsabilités. Et ça, souvent, ça fait peur.
Comme ils travaillent beaucoup sur les exploitations, ils n’ont pas forcément beaucoup de temps à consacrer aux syndicats. Mais on fait le maximum pour les avoir. Et ça, c’est le but du jeu parce que si on n’a pas de jeunesse, si on n’a pas de reprise sur les appellations. S’ils ne nous apportent pas justement ce petit peps, parce que nous, on a beau essayer d’être dynamique, on n’est pas forcément à la page. Et on a toujours des carences quelque part. Donc du coup, c’est vrai que de les accompagner doucement, c’est quand même quelque chose de bien.
Le collectif est organisé en commission. La relève est assurée avec pas mal de jeunes dans les exploitations. Mais en regardant les adhérents du syndicat, je vois également beaucoup de femmes.
FL : Avant, c’était un milieu très masculin. Mais peut-être aussi parce que c’était un travail quand même très physique. Effectivement, ça ne fait plus peur aux jeunes filles de prendre la suite des domaines familiaux. Personnellement, je ne suis pas du tout dans les vignes. Je suis un tout petit peu à la vinification, mais plutôt au moment des assemblages, pas forcément quand il faut mettre les mains dans les cuves ou autre. Mais il y en a beaucoup qui sont aussi dans les vignes et qui sont à la vinification. Les femmes sont dans beaucoup d’endroits maintenant où avant on ne voyait que les hommes. Donc, la viticulture suit le même chemin que beaucoup d’autres métiers.
MB : On a eu un moment où on a, justement, comme Françoise en parlait, on faisait des vins très massifs, très alcooleux, très « masculins ». Et c’est vrai que maintenant on tend plus à faire des vins avec beaucoup plus de finesse. Et ça, je pense que c’est un petit peu le côté féminin. Quand j’ai commencé à faire du vin, j’avais déjà ce style de vin-là. J’avais un style de vin très fin, avec très peu de corps, avec beaucoup d’aromatiques. Moi, mes premiers commentaires, quand les gens goûtaient, surtout le côté masculin, ils me disaient « C’est très bon, mais c’est des vins féminins. » Et moi, je prenais ça vraiment comme un compliment. Donc aujourd’hui, on a tout gagné.
La production de vin se féminise. Cela fait évoluer le métier et les vins également, car il n’y a pas que dans les exploitations que les femmes prennent leur place, c’est également le cas des consommatrices. Comment font-ils pour capter cette clientèle qui évolue au fil des années et créer la rencontre avec les consommateurs et les consommatrices ?
FL : C’est très important de se mettre à la portée de notre clientèle particulière, puisque c’est quand même une grosse base de nos consommateurs. Donc, de par les animations qu’organisent le village de Rasteau, mais aussi de par les salons que nous faisons tous en tant que vignerons ou caves coopératives, ça permet de faire connaître le village. On en fait, nous, personnellement, une quinzaine dans l’année. Je me rends compte que Rasteau est maintenant, au niveau de la France, très connu et ça fait plaisir.
Alors, ça reste à faire connaître encore aux grands exports, comme on dit. Mais par rapport à la clientèle de particuliers, oui, ça fait énormément venir du monde. Ça les rassure, parce que ça met le vin à leur niveau et on parle tout à fait simplement du produit, puisque n’importe comment, il n’y a pas besoin de grands tralala pour parler du vin. La première chose, c’est de savoir l’apprécier. Chacun l’aime à son niveau. C’est comme l’alimentaire, donc, s’il vous plaît, c’est le principal. Et avec la diversité qu’on a à Rasteau, vous arriverez toujours à trouver le vin qui vous correspond, sans souci.
MB : C’est bien de vendre nos vins aux quatre coins du monde, ça, c’est une fierté. Mais quand même, de recevoir les gens, de leur expliquer ce qu’on fait chez nous, de leur faire voir qu’on est quand même un petit village, parce qu’on n’est que 800 habitants, c’est très important. Et c’est pour ça que c’est vrai qu’à Rasteau, on est très actifs sur les manifestations.
On a les « Quand vin le soir », c’est des bars éphémères qu’on fait sur la place du village. On a l’ « Escapade des Gourmets », qui est une balade gourmande avec 2000 personnes. On a « la Nuit du Vin », donc, qui est à peu près dans le même style d’événement, mais avec pratiquement 10 000 personnes dans un petit village comme chez nous. C’est vrai qu’à Rasteau, on trouve toujours un moment pour faire venir les gens, pour partager. Et ça fait partie vraiment de l’âme du village.
FG : Cette « Nuit du Vin », ça fait beaucoup d’années qu’elle existe, plus de 30 ans. Les gens la demandent. On fait tout pour que les gens soient bien. On essaye de toujours faire plaisir à ceux qui viennent à Rasteau. Je pense que le mot d’ordre, c’est ça aussi, c’est faire plaisir. Et moi je suis né dans cet ambiance. Mes parents tenaient des stands à l’époque, à la « Nuit du Vin ». Et quand il y avait des événements, ils étaient toujours impliqués. Donc, pour moi, c’est tout à fait normal que de faire plaisir à ceux qui viennent chez nous. Et cet élan de beaucoup de monde, de bénévoles, qui, bien souvent, ils ne sont même pas vignerons, viticulteurs ou autres. Et ils sont là parce qu’ils aiment ça.
Ils aiment toute cette ambiance autour. Moi, j’ai souvenir que déjà, à la base, Rasteau a toujours été autour de la culture, du théâtre, d’un tas de choses. Il y avait une dame qui avait œuvré énormément à l’époque pour ça. On recevait des chapiteaux qu’on montait sur la place avec des pièces de théâtre. Nous-mêmes, on était à l’école, on faisait du théâtre. Donc, on a ce côté où on aime bien faire plaisir aux gens, je pense. C’est une belle aventure humaine, pourvu qu’elle continue, moi, je me régale !
On a bien entendu le côté humain. Le côté festif aussi, c’est important. Mais tout ceci se fait dans un écrin de nature assez exceptionnel également.
FG : Par rapport à notre territoire général, on a su garder de la nature et de la vigne. En tout cas, composer avec ces deux actions. Ce n’est pas qu’une plaine ou qu’un endroit où il n’y a que de la vigne, on arrache tous les bois… Et ça, cette mixité, je pense… On peut balader dans les bois, on va aux champignons, on a des truffes.
On a toute une mixité parce qu’on a su garder, à des moments donnés, les bois, la faune, la flore, tout ce qu’il y a, avec une certaine importance. Parce qu’il ne reste pas un petit bois quelque part, il y a quand même une belle et vaste montagne. La commune a freiné les arrachages. Donc, tout ça pour que ça ne devienne pas que de la vigne non plus. Et c’est pour ça que les gens, à mon avis, baladent bien parce qu’on a su garder du bois et la vigne se marie au milieu de tout ça.
FL : Pour rebondir sur ce que Frédéric disait, on n’a pas trop parlé de la biodiversité. C’est vrai que quand on regarde le vignoble, il est très morcelé. Avec un vignoble en plaine. Mais vous avez également beaucoup de coteaux, des banquettes, des terrasses. Tout ça veut dire qu’il y a des bosquets, qu’il y a des talus. Donc, au niveau de la faune et de la flore, on retrouve énormément d’espèces.
Moi, j’ai été absente pendant dix ans. Je suis revenue. Je suis impressionnée par le nombre d’oiseaux que l’on retrouve, que je ne voyais pas du tout avant. Et puis, beaucoup d’exploitations, maintenant, sont en culture biologique. Donc, là aussi, ça préserve énormément la nature. C’est vrai que la nature est belle parce qu’elle est variée. Quand on regarde une carte, le nom de Rasteau vient du fait qu’il y a des vallons et des vallées. Et donc, ça a une forme de râteau, d’où le nom de Rasteau. J’ai appris ça il y a très longtemps. Et pourtant, je ne suis pas d’ici. Mais c’est intéressant.
Et pour les personnes qui viendraient à Rasteau pour la première fois, qu’est-ce qu’il faut voir absolument ?
FL : Les balades à Rasteau, quoi qu’il en soit, sont magnifiques. Parce que c’est vrai qu’on a un point de vue superbe sur le Mont Ventoux et les Dentelles de Montmirail, la vallée de L’Ouvèze, la vallée de l’Aygues. Un endroit que j’aime beaucoup à Rasteau, et ce n’est pourtant pas pour sa vue, mais c’est seulement pour le site, c’est qu’on a un vieux chêne, un très vieux chêne qui doit avoir à peu près 80 ans. Et là-bas, j’aime beaucoup aller me ressourcer. C’est vrai que c’est magnifique. Cet arbre est superbe. Il a une âme, oui.
FG : Il y en a tellement. Il y a des vues phénoménales. Donc, je dirais, moi, ça sera le nord de Rasteau, sur le haut de la montagne, auquel on a toute la vue de Grignan, toute la vallée de la Drôme, de l’Ardèche et des Préalpes. Voilà, ce côté-là me plaît beaucoup.
MB : Je n’ai pas vraiment de lieu, c’est Rasteau. C’est tellement diversifié. Sur un même lieu, on n’a qu’à tourner le dos, on est dans un paysage vraiment différent et c’est ça qui est magique. On est dans un lieu où on est près de toutes les grandes villes, de la mer, de la montagne et excentré de tout. Parce qu’on n’a pas d’axe principal qui passe chez nous. Donc, en fait, on a des paysages qui sont magnifiques. On peut aller de la vallée de l’Aygues, de la vallée de L’Ouvèze, on peut regarder vers les Baronnies, regarder un petit peu plus vers les Cévennes. Enfin, c’est magique !
Conclusion
MCD : Voilà ma première étape à Rasteau est terminée,
Dans le prochain épisode, ce sont deux autres vignerons et vigneronnes qui vont vous parler de ce vin d’exception car l’appellation est devenue Cru pour ses vins rouges secs en 2010, et elle ne cesse d’évoluer pour le plus grand bonheur des épicuriens et épicuriennes.
Je vous dis à bientôt, je l’espère-luette évidemment !
Les vins de Rasteau, de belles évolutions pour sortir des clichés
Bonjour ! Je suis Élodie Balme, vigneronne à Rasteau depuis 2006, sur un vignoble de 23 hectares en partie sur Rasteau. Nous faisons principalement des rouges, un petit peu de blanc et un peu de vin doux naturel également.
Claude Hilt, Villa Safranier, Domaine que j’ai créé en 2010, je suis donc ce qu’on appelle un néo-vigneron. Je me suis installé en premier lieu sur Rasteau, autrement dit, j’ai acquis des terres à Rasteau. J’avais le choix de cette appellation. J’avais une forte affinité pour les vins de l’appellation. Aujourd’hui, je produis plusieurs vins, mais majoritairement des vins issus du Cru Rasteau.
Pour commencer, j’ai demandé à Élodie de nous rappeler les particularités des vins de Rasteau. Et c’est notamment le sol qui rend ce vin typique, avec un mot que vous allez entendre, les marnes, qui sont des roches sédimentaires particulières à ce territoire, composées d’argile et de calcite.
EB : Il y a une particularité à Rasteau effectivement, c’est qu’il y a un terroir d’une grande homogénéité sur la qualité des sols et la nature des marnes qui sont des marnes profondes et donc qui donnent des vins charnus, très profonds, d’une grande complexité. Et ça c’est un trait commun qui marque vraiment la typicité de Rasteau.
Les vins rouges secs de Rasteau ont obtenu l’appellation Cru en 2010. Cette distinction prestigieuse avait déjà été obtenue par les Vins Doux Naturels de Rasteau en 1944. C’est une étape importante dans l’évolution de la reconnaissance de ce vin. Qu’est-ce que cela signifie exactement et pourquoi est-ce si valorisant de devenir Cru ?
EB : Avant son passage en Cru en 2010, Rasteau était en Côtes-du-Rhône-villages nommé, Côtes-du-Rhône-villages Rasteau, parmi la vingtaine d’autres Côtes-du-Rhône-villages nommés. Et donc, c’est une forme de reconnaissance parmi les villages qui étaient déjà reconnus pour la qualité de leur terroir et l’environnement dans lequel ils se trouvent. Et donc, Rasteau a eu cette reconnaissance en 2010 pour une grande homogénéité dans la qualité de son terroir et son exposition, et aussi les vieux grenaches, le matériel végétal et beaucoup de vieilles vignes qui s’y trouvent. Quand il y a une reconnaissance nationale d’une appellation, c’est toujours une fierté de s’y trouver et de le représenter au mieux.
CH : Le mot Cru a plusieurs sens. Suivant la région dans laquelle on l’utilise, en Côtes-du-Rhône, le Cru catégorise le village. On peut revendiquer le village sans faire référence à la zone d’appellation plus large qui sont les Côtes-du-Rhône.
EB : Et à côté de ça, on aime quand même aussi expliquer qu’à l’intérieur d’une appellation, il y a aussi toute une palette de vignerons et vigneronnes qui l’expriment différemment, et ça c’est quand même très important.
Quand j’ai commencé à travailler avec l’équipe du syndicat pour préparer ces épisodes, plusieurs personnes ont employé le terme « fraîcheur Dans l’inconscient collectif, jusqu’alors, ce n’était pas le premier mot qui venait à l’esprit pour décrire les vins de Rasteau. Après les avoir dégustés, j’ai constaté que maintenant, c’était effectivement un terme adéquat. Mais alors pourquoi le mot « fraîcheur » est désormais approprié pour qualifier les vins de Rasteau ?
CH : J’ai choisi d’être à Rasteau parce que je trouvais que c’était une appellation qui renvoyait une image de vins plutôt rustiques, plutôt concentrés. Et en fait, j’avais trouvé des choses plutôt délicates, plutôt élégantes. Au final, je ne suis pas déçu. Quand on parle du vin, c’est difficile de ne pas s’enfermer dans un cliché parce qu’on a toujours les mêmes descripteurs, quel que soit le vin. Mais effectivement, vous parliez de fraîcheur et c’est quelque chose où on n’attend pas forcément les vins rouges des Côtes-du-Rhône, avec l’expression, le terme de fraîcheur. C’est quelque chose qu’on peut trouver. On peut avoir beaucoup de finesse sans pour autant perdre la capacité au vieillissement. Après, vous avez aussi sur l’appellation Rasteau des vins qui correspondent au type traditionnel mais ce n’est pas la tendance, l’évolution qu’on observe chez tout le monde.
EB : Effectivement, il y a une évolution vers moins d’excès sur les maturités, moins d’excès sur les élevages, moins d’excès sur les extractions. On essaye de… Je pense qu’avec un renouvellement de génération aussi, qui fait qu’on a une autre façon de consommer le vin, on a plutôt moins de tendance à travailler pour faire des vins de garde. On ne les consomme déjà pas comme ça nous-mêmes.
Donc, c’est vrai qu’on a tendance à produire les vins qu’on aime soi-même. Et donc, une accessibilité dans la jeunesse, ça, c’est vrai. Et en même temps, ne pas trahir le terroir sur lequel on se trouve. Mais on peut avoir et de la profondeur et de l’élégance. Et c’est vrai que ce n’est peut-être pas là où on attend Rasteau, pour le coup. On œuvre dans ce sens-là pour montrer que oui, il y a une grande complexité, mais il y a une grande buvabilité aussi. Parce que voilà, beaucoup de fruits, beaucoup de fraîcheur, beaucoup d’élégance et en même temps, une profondeur qui permet de les conserver plusieurs années.
Alors, comment sortir de ces clichés qui ont la dent dure ? Et combien de temps faut-il conserver sa bouteille de vin à la cave pour apprécier cette fraîcheur dans les vins de Rasteau ?
EB : Nous, on a souvent pour habitude d’expliquer que notre Rasteau, on le conseille entre… Le top, ça serait entre deux et quatre ans, par exemple. Voilà. Parce qu’avant un an, deux ans de mise, on a des vins encore un petit peu chamboulés par leur passage à l’état d’élevage, de cuve jusqu’à la bouteille de 75. Donc, il faut un peu de temps, justement, parce que c’est très complexe pour que ça s’épanouisse et ça s’ouvre. Et puis, au-delà de quatre, cinq ans, à mon idée, comme on a quand même pas mal de structures et d’alcool dans les vins, il faut aussi de la fraîcheur, de la fraîcheur aromatique et de la fraîcheur du fruit. Pour supporter un peu cela et que ce soit agréable, c’est bien. Voilà, entre deux et quatre, cinq ans.
CH : J’ai vraiment un goût pour des Rasteau plein fruits. Effectivement, comme disait Élodie, des vins qui ont atteint trois ans, quatre ans d’élevage, de maturation, on va dire, parce qu’on ne peut plus parler d’élevage quand ils sont en bouteille, c’est là qu’on obtient les meilleures choses. Actuellement, on se régale de 2019, de 2020. Bon, 2019 est un millésime extraordinaire, peut-être que celui-là a encore besoin d’un petit peu de temps pour évoluer. Mais globalement, effectivement, quand on arrive sur 3 ans, 4 ans, on a encore une belle chaire de fruits.
Et dans le même temps, ça se patine, ça s’ouvre, ça devient un peu plus exubérant. Dès qu’on a cette ouverture, on trouve une opulence, une richesse qui donne vraiment ce côté que j’aime à Rasteau , à la fois généreux et tenu. Alors évidemment, ça ne veut pas dire grand-chose, peut-être, parce qu’on a tous notre vocabulaire du vin et notre façon de le décrire, mais voilà, c’est comme ça que ça me vient spontanément.
Pour donner une vraie idée de ce qu’est un vin sec de Rasteau, parlons gastronomie. Quels sont, pour Claude et Élodie, les mets parfaits à accorder avec leur vin ?
CH : Les accords, il y en a plein. Il y en a plein pour les vins de Rasteau. Moi, globalement, je trouve qu’on a des bons accords sur les cuisines orientales. Je trouve ça plus intéressant qu’une traditionnelle daube provençale ou autre. Mais dès qu’on a un petit peu d’épices, dès qu’on a quelques condiments, je trouve qu’on va très vite trouver des accords avec les vins de Rasteau.
EB : Je suis assez d’accord. Le côté épices correspond. Ils sont assez bien, en général, aux grenaches, d’ailleurs, en général. Nous, on aime bien le conseiller sur de l’agneau. C’est une viande délicate et très goûtue quand même. Et je trouve que ça convient parfaitement aux vins de Rasteau. Il y a plein d’autres accords, bien évidemment. Et je vais quand même oser l’accord grenache sec, donc les vins secs de Rasteau , sur du chocolat. Je trouve que ça va aussi très, très bien sur le dessert. La générosité du grenache accompagne bien le chocolat. Voilà, à l’instar des Vins Doux Naturels, qui vont évidemment très, très bien aussi avec le chocolat.
J’ai également constaté que la culture en bio avait de plus en plus de place dans l’appellation. Qu’en est-il vraiment ?
CH : Moi, j’ai fait le choix de m’installer dans une appellation avec une reconnaissance forte. Donc, ce n’est pas pour arriver et dire je chamboule tout. Je suis resté assez traditionnel dans mes pratiques. Alors, je suis aussi en bio, mais je n’appelle pas ça une innovation. J’appelle simplement ça du bon sens et de la simplicité. Voilà, on essaye de respecter le fruit, le raisin. Ça passe par des choses toutes bêtes et il n’y a pas de technique, il n’y a pas d’artifice. On fait tout bêtement fermenter notre raisin et on le déguste beaucoup, tous les jours, et on voit comment ça évolue.
EB : Moi, je le vois plutôt comme un retour à ce qui était fait finalement avant. On n’innove pas grand-chose. On travaille plutôt justement comme faisaient les anciens avant de rentrer dans cette période où la culture conventionnelle était beaucoup plus ancrée, on va dire. Donc, on revient au bio plutôt que d’y aller. Voilà, on n’innove pas cette partie du travail-là, quoi. Un pied de vigne restera un pied de vigne, donc la problématique est un peu la même. C’est plutôt revenir à un travail comme faisaient les anciens. Sur le côté biodiversité, c’est vrai qu’il y a plus de prise de conscience de l’infiniment petit qui nous entoure plus que peut-être ça n’a été fait par le passé. Ça, par contre, oui.
Sur un vignoble bien ancré dans le patrimoine local, c’est finalement peut-être les échanges en direct sur ce vin d’exception avec les consommateurs et les consommatrices qui vont permettre aux clichés de laisser leur place à de nouvelles appréciations.
CH : Le vin, c’est une affaire de partage. Dans la majorité des cas, on ne vaut pas une bouteille pour la boire tout seul. On ne vaut une bouteille pour la partager. Quand on est professionnel, on attend de nous en plus qu’on la raconte un peu. Et oui, donc on ne peut pas être viticulteur sans partager.
EB : Quand on commence à faire du vin, c’est aussi qu’on aime le contact avec les gens. Et leur expliquer ce qu’on fait, ce qu’on aime faire. Sinon, on ne ferait pas ce métier-là, c’est qu’on aime rencontrer les gens et partager ça. À la mesure du possible, il y a des saisons où on est un peu plus occupé que d’autres. Il y a beaucoup d’événements sur le village de Rasteau.
C’est une bonne opportunité de rencontrer un maximum de vignerons, vigneronnes et de comprendre leur métier. Et d’appréhender les vins avec beaucoup de simplicité. Effectivement, le moment de partage simple et désacraliser un peu tout ce qu’il y a autour du vin. Voilà, expliquer que c’est simple comme bonjour, du moment qu’on aime partager un bon moment autour d’un bon repas, un bon verre, des amis, de la famille, c’est bon. Il n’y a pas besoin d’être d’un haut niveau pour apprécier le vin en général, et évidemment, les vins de Rasteau !
CH : Beaucoup de gens pensent que le vin n’est pas accessible régulièrement. Quand on a des salons, quand on a affaire à des non-professionnels, on entend « moi, j’y connais rien en vin ». Mais je n’ai jamais entendu quelqu’un dire « j’y connais rien en fromage » ou « j’y connais rien en pâte » ou « j’y connais rien en pizza ». Par contre, en vin, il y a toujours quelqu’un qui vous dit « j’y connais rien en vin ». Et ça, je trouve que c’est assez terrible, parce que ça montre qu’il y a une vision très sacralisée du vin. Et ça ne sert pas le plaisir, mais ça ne sert pas le business non plus d’ailleurs.
EB : Je pense que quand on a compris que c’est beaucoup plus simple que ça, on commence à apprécier beaucoup plus le vin aussi. Voilà, c’est comme la cuisine. C’est pareil, on peut tout à fait apprécier un bon repas très bien fait sans qu’il soit très sophistiqué, ni être critique gastronomique, ni même Chef. Bref, c’est beaucoup plus facile souvent pour le consommateur de s’envisager à déguster un plat, le commenter ou en tout cas donner son ressenti sur un plat que sur un vin. Alors que ça devrait être, c’est totalement comparable en fait. Ça devrait être pareil.
Et justement, dans nos caveaux ou dans les fêtes locales qu’on fait l’été, on passe beaucoup de temps à expliquer aux gens qu’on n’est pas connaisseurs, mais bien heureusement, mais même nous, au sein de notre propre métier, c’est jamais pareil. Donc, il n’y a pas besoin d’être connaisseur. Il faut juste être curieux et être un peu épicurien.
Être curieux et épicurien. En voilà une belle recommandation pour conclure cet épisode. Avant de terminer, j’ai bien sûr demandé à Elodie et Claude de me parler de Rasteau, en dehors du vin. Qu’est-ce qu’il faut découvrir aussi sur ce beau territoire ?
EB : C’est vrai qu’on se tourne vers l’Ouest ou qu’on se tourne vers l’Est, on a vraiment une vue à 180 degrés, donc avec les Dentelles de Montmirail, le Mont Ventoux… différentes terrasses, en fait, différents étages, on va dire, sur le village de Rasteau qui sont très agréables pour découvrir le village, se promener. Donc, c’est vrai qu’au niveau tourisme, c’est très agréable. C’est vraiment la campagne avec beaucoup de diversité de paysages. Et puis après, il y a le côté humain. C’est vrai que Rasteau, c’est un village où les gens sont attachés à faire vivre leur village, à y vivre. Donc, il y a le côté aussi très chaleureux du village. Les gens, je pense qu’ils sont attachants, pas que les vignerons (rires).
CH : Moi, n’étant pas rastellain, c’est assez facile d’en parler. Il y a un fort relief. Enfin, un fort relief, ce n’est pas la montagne non plus, mais voilà, il y a du relief, il y a différentes expositions. Et à peu près à la même époque, l’année dernière, avec Justine, qui travaille avec moi, sur la partie communication, on a fait quelques vidéos au lever du soleil, plein Est. Et vraiment, on a l’impression que, comme disait Steiner, ce jour-là, les oiseaux ont aimé la nature.
Conclusion
MCD : Ma deuxième escale à Rasteau est terminée. Dans le troisième et dernier épisode de la série, nous allons fêter un anniversaire, celui des Vins Doux Naturels. 80 ans, cette année que l’appellation existe. Cela méritait bien un épisode entier pour vous donner envie de les découvrir, parce que vous ne le savez peut-être pas, mais il n’y a pas trois, mais cinq couleurs dans les Vins Doux Naturels.. Rendez-vous dans le prochain épisode pour découvrir tout ça. Et d’ici là, je vous dis à bientôt, je l’espère-luette, évidemment !
Les Vins Doux Naturels de Rasteau fêtent leurs 80 ans !
Madeline : Je suis Madeline Ferran, du Domaine des Escaravailles à Rasteau, domaine familial fondé par mon arrière-grand-père dans les années 50.
Cyril : Cyril Glémot, chef propriétaire du restaurant Coteaux et Fourchettes à Cairanne.
Marine : Marine Charavin, du Domaine des Coteaux des Travers, je travaille avec mon frère et mon papa. On est la quatrième génération avec mon frère et on est en bio et en biodynamie.
Avant de parler dégustation des Vins Doux Naturels, commençons par la technique. Qu’est-ce qu’un Vin Doux Naturel et comment sont-ils produits à Rasteau en particulier ?
Madeline : L’appellation « Vin Doux Naturel» tient son nom du mot « doux » grâce au sucre naturel du raisin qu’on garde, notamment par un processus de mutage. Donc, on ramasse les raisins à surmaturité, on attaque la fermentation tel un vin normal, mais à un certain moment, on mute ce vin à un ajout d’alcool vinique, donc c’est un alcool neutre issu du vin. Et par l’ajout de cet alcool, on tue les levures, on stoppe la fermentation et on garde le sucre naturel dans le vin.
Marine : À Rasteau, c’est 100% grenache. Donc on a trois types de grenache. On a le grenache noire, le grenache blanc et le grenache gris, qui est un peu plus rare. Il y a des spécificités surtout dans l’élevage parce qu’on a deux catégories de vins doux. On a les vins doux jeunes qui seront le blanc, le grenat, le grenat c’est le rouge, et le rosé. Ça, en fait, on doit le mettre en bouteille dans l’année et demie qui suit les vendanges.
Si on dépasse ce délai, les vins doivent être mis en élevage, généralement en barrique, et avec une particularité, c’est sans houillage. C’est-à-dire qu’on ne remplit pas à fond les tonneaux pour qu’il y ait de l’air. Et même si c’est l’ennemi normalement du vin, l’air, pour les vins doux, il faut que ça s’oxyde, donc que ça prenne l’air, pour faire du ambré ou du tuilé. Et au bout de cinq ans, on peut revendiquer l’appellation hors d’âge.
Cyril : En fait, au restaurant, nous on se rend compte que les Vins Doux Naturels, on a toujours cette idée d’avoir des vins qui sont un peu trop lourds, un peu trop sucrés. Alors que non, en fait, aujourd’hui, les vignerons et vigneronnes font des vins doux qui ont vraiment un très bel équilibre. Donc on peut vraiment faire des accords sur du salé hors foie gras, parce qu’en fait, c’est l’accord que tout le monde veut. Mais par contre, on peut le mettre sur plein d’autres choses. Donc on prêche la bonne parole pour expliquer aux gens que les vins doux, on peut les boire hors apéritif. Voilà, on surprend un peu les gens.
Je sens déjà vos papilles se réveiller. Fermez les yeux, Madeleine, Cyril et Marine vont continuer à faire travailler votre imagination Vous allez l’entendre, les Vins Doux Naturels, ça peut se déguster à tout moment.
Madeline : Si on prend un blanc, on sera plus sur le fruit frais, la poire, la pêche, une aromatique vraiment fraîche de vin jeune. Après les rosés, on sera sur la fraise écrasée, le côté très gourmand, floral, parfait pour l’été, par exemple. Et le grenat, là, on sera plutôt sur la cerise noire, le cacao, des notes un peu plus boisées si c’est élevé dans le bois, par exemple, mais des profils plutôt frais. Alors que si on passe sur les oxydatifs, là, on a une palette encore énorme de safran, miel, noix, fruits secs, infinie. Moi, j’ai un gros penchant pour le Vin Doux ambré avec un Roquefort. Tout ce qui est pâte persillée, c’est vraiment un accord génial parce qu’il y a le côté très salé du fromage, avec le côté sucré et oxydatif, c’est exceptionnel !
Cyril : On a déjà fait des repas tout au vin doux. On peut utiliser cinq couleurs de Vins Doux Naturels sur plein d’accords différents. Sur les blancs, on peut faire sur du poisson cru, des choses comme ça. Sur les grenats, bien sûr on peut faire, quand ils sont un peu vieux, sur des vieux gibier en sauce, ça marche très, très bien aussi. Et après, tout ce qui est un peu oxydatif dans les tuilés et ambrés, on peut faire sur une cuisine un peu asiatique, sur des sucrés-salés, sur des cœurs de canard. Ça, c’est quelque chose que j’avais mis au point au restaurant il y a quelque temps et qui marche très bien.
On peut faire des cocktails aussi avec un mousseux. Déjà, ça va juste, on va dire, entre guillemets, le diluer avec une fine bulle. Ça va le sucrer un petit peu. Ça va être une sorte de kir revisité. Au lieu de mettre une crème de fruits, on peut mettre un vieux vin doux. Il va amener cette aromatique si spécifique. C’est une possibilité infinie, pratiquement, en bar, d’utiliser les vins doux.
Marine : Alors moi, je partirais plus sur un vieux Vin Doux de type ambré ou ambré hors d’âge, avec un dessert, par exemple une tarte aux fruits, tout simplement, abricots ou même ananas. Et après, moi, j’aime bien les Vins Doux hors d’âge. Je les appelle un peu les prédigestifs ou des digeos légers. C’est-à-dire que pour les personnes qui n’aiment pas trop les digestifs ou les alcools très forts, les hors d’âge, ceux qui ont eu 8, 9, 10 ans d’élevage, en fait ça se boit tout seul en fin de repas. Et je trouve que ça appelle le calme, l’apaisement de fin de repas, où on se pose au coin de la cheminée. Mais voilà, à la place d’un digestif, moi, je préfère ça en fin de repas tout seul.
À tout moment, en toute saison, selon la couleur que l’on choisit et ses goûts, bien sûr, il y a beaucoup de possibilités. Mais les clichés sur les Vins Doux Naturels sont quand même tenaces. Il faut donc convaincre les consommateurs et consommatrices pour leur donner de nouvelles idées.
Madeline : Nous, ce qu’on aime bien faire au caveau maintenant, c’est quand quelqu’un arrive, on ne dit rien et on sert un petit verre de vin doux. Alors, tout dépend de la couleur, on change. Et on dit le verre d’accueil, entre guillemets. Parce que souvent, à la fin d’une dégustation, quand on dit « Vous voulez goûter les vins doux ? », les gens disent « Ah non, non, nous, le sucre, très peu pour moi ». Alors du coup, on sert ce petit verre à l’aveugle au début de la dégustation. Les papilles sont vraiment ouvertes et prêtes à déguster. Et à chaque fois, les gens disent « Ah, mais c’est équilibré, je m’attendais à quelque chose de beaucoup plus sucré, mais pas du tout ». Et c’est beau de surprendre comme ça, parce qu’on a les bons retours.
Cyril : Alors, au restaurant, c’est surtout la jeune clientèle, on va dire, qui ne sont pas amateurs de vin, qui disent « Non, je ne veux pas consommer de vin ». Et puis, on leur dit « Je vais vous faire goûter un petit quelque chose ». Et c’est vrai que, pour s’intéresser au vin, je pense que c’est le premier palier, parce que c’est un peu sucré, on a une aromatique qui est très exubérante. Donc, en fait, souvent, les jeunes commencent un peu à apprendre le vin. Et puis, les arômes aussi sont facilement décryptables que par rapport à du vin rouge. Donc, en fait, ça peut être un premier exercice pour pouvoir apprécier le vin. Et nous, on essaye des fois de présenter un peu la chose dans ce sens.
Marine : Là où moi, je suis toujours agréablement surprise, c’est que même les gens qui ne veulent pas déguster des Vins Doux Naturels, qui sont un peu réticents, du moment où on les fait goûter, ils adorent, ils adhèrent. C’est vraiment comme les vins secs à Rasteau, finalement, on arrive un peu à les moderniser en se basant plus sur le fruit et le côté vin du vin doux que le côté sucre. Et je pense que ça, c’est le côté moderne des vins doux : moins de sucre, plus de fruits.
Madeline : Je pense qu’il faut oser ne pas avoir peur, parce que des fois, le vin, ça peut intimider. Mais les vins doux, c’est hyper accessible. Et comme Cyril disait, nous, les vins doux dans la restauration, c’est surtout des restaurants d’un certain standing parce qu’il y a un sommelier derrière pour les accompagner, pour les vendre. Parce que justement, c’est un produit qui fait peur. Et s’il y avait plus de restaurants comme Coteaux et Fourchettes pour faire goûter aux gens et faire découvrir, les gens le comprendraient plus facilement. Et quand on commence, après, on adore. On a envie d’en goûter partout, comparer et s’enrichir.
Rendez-vous compte, les Vins Doux Naturels ont 80 ans. Ça nous amène en 1944. Aujourd’hui, ils font partie du patrimoine de Rasteau. Alors, est-ce que malgré cet âge, les vignerons et vigneronnes y sont toujours attachés ?
Marine : Il ne faut pas oublier que c’est le premier Cru à Rasteau et c’est finalement le premier héritage de Rasteau aussi. C’est important et ça nous tient à cœur. Mon grand-père aimait beaucoup ça. Mon papa, pareil, aime beaucoup les vins doux. Et avec mon frère aussi. Donc, on ne se voit pas ne pas en faire.
Madeline : C’est vrai que les Vins Doux Naturels, c’est le patrimoine de l’appellation Rasteau. 80 ans, ce n’est pas rien. On a commencé avec les vins doux et puis on est devenus Cru ensuite pour les rouges secs en 2000. Ça fait partie de notre patrimoine. Par exemple, avec mon papa, on continue à en faire et on adore en faire parce que justement, on ne se voit pas arrêter. Mon arrière-grand-père, à l’époque, avait commencé à faire des vins doux et il les gardait pour lui. Il faisait des petites bouteilles. La force des vins doux, c’est qu’on doit avoir obligatoirement des vieilles vignes. Donc, on cultive ces vieilles vignes, on les bichonne et on les garde justement. Et les années où on ne fait pas du vin doux, on peut faire des très bons Rasteau secs.
Vous l’avez compris, les Vins Doux Naturels ont une place toute particulière dans le cœur des Rastellains et des Rastellaines Mais alors, entre deux dégustations, que faut-il également apprécier sur ce territoire ?
Marine : Un de mes endroits préférés… En fait, on a la chance d’avoir une vigne qui est un peu au sommet de Rasteau et qui est composée déjà que de galets. Donc ça, c’est chouette. Et en fait, on a un panorama sur toute la vallée. Donc, on voit Ventoux, le Saint-Amand, parce que j’aime beaucoup le Saint-Amand. Je trouve ça trop beau. Les Dentelles. Et en fait, je trouve que j’aime bien aller là-bas promener avec mes chiens et respirer. Une pause au calme où on respire et une vue super sur toute la vallée.
Madeline : Pour moi, c’est tout simplement le Domaine. Parce que comme disait Marine, on a une vue incroyable depuis le domaine sur la vallée. C’est une bouffée d’oxygène coupée du monde. On n’a pas de voisins. On n’a rien à part les oiseaux et les vignes.
Cyril : Moi, j’aime beaucoup le plateau de Rasteau. Toute cette grande route qu’il y a sur les hauteurs de Rasteau. On a un panorama côté bien sûr Dentelles, mais aussi côté un peu Alpes, du côté de Buisson.
Et c’est vrai que j’aimais beaucoup aimer me balader là-bas. Et j’avais eu un quad pendant quelques années. J’ai beaucoup appris en fait en me promenant dans les vignes à découvrir un peu les terroirs. Et c’est vrai que c’est une jolie balade. On passe d’une montée, d’un coteau. On arrive sur un plateau qui est quand même très plat, très long.
Et en fait, on a vraiment un dénivelé de deux côtés. Je ne sais pas, ça doit faire une bande qui doit faire peut-être cinq kilomètres. Et peut-être en largeur, ça fait peut-être que 500 mètres. Donc quand vous passez d’un côté ou de l’autre, vous avez côté Alpes. On voit les Préalpes et un peu l’Enclave des Papes. Et de l’autre côté, on a le Mont Ventoux et les Dentelles. Donc je trouve que c’est vraiment magique !
Conclusion
MCD : Cette dernière étape est maintenant terminée, j’espère qu’elle vous aura donné envie de découvrir ou redécouvrir ces Vins Doux Naturels, fiertés du patrimoine de Rasteau. 80 ans c’est une sacrée histoire, mais je pense que maintenant, vous savez que malgré leur âge, les VDN comme on les appelle ici sont toujours fringants et pleins de surprises. Si vous visitez un domaine à Rasteau, que ce soit pour déguster un vin doux ou un vin sec, ou que vous allez dans un restaurant, laissez-vous tenter par des accords originaux avec les vins de Rasteau, oubliez toutes vos idées reçues sur ce vin et laissez-vous conseiller par les vignerons ou les restaurateurs, vous risquez d’êtres agréablement surpris et ils vont j’en suis vous convaincre comme cela a été le cas pour moi lors de l’enregistrement de ces trois épisodes.
Je vous dis à très vite, je l’espère-luette évidemment